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« Tristes » et « en colère », les salariés de la grande usine Michelin de Cholet (Maine-et-Loire) ont voté, mardi 5 novembre, pour la grève, après l’annonce dans la matinée, par la direction du groupe, de la fermeture avant 2026 du site ainsi que de celui de Vannes (Morbihan), qui comptent au total 1 254 salariés.
A Cholet, « ils ont mis les 900 salariés dans une salle comme des vaches à l’abattoir et [leur ont] annoncé que c’était fini », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Morgane Royer, salariée depuis « bientôt dix ans » chez Michelin et déléguée syndicale SUD. Les salariés de Cholet ont bloqué le site peu après les annonces de la direction. Celle-ci avait prévu de toute façon d’arrêter la production jusqu’au 13 novembre. « C’est la version voyou du capitalisme », a condamné devant les salariés le maire de Cholet, Gilles Bourdouleix (divers droite). « Visiblement, la volonté depuis des années, c’était de laisser la situation dégénérer et puis [d’]arriver à cette décision brutale », a-t-il dénoncé.
A Vannes (Morbihan), « l’annonce, faite par la directrice, a été accueillie par un grand silence. Tout le monde accuse le coup », a témoigné Eric Boisgard, salarié depuis 2004 et ancien délégué syndical CGT.
Les salariés craignaient ces annonces depuis plusieurs semaines. Les discussions avec les syndicats avaient été interrompues. Pour le premier syndicat du groupe, la CFE-CGC, ces fermetures sont « une décision unilatérale, brutale et mal anticipée », a condamné son délégué syndical central, José Tarantini. « Ce n’est pas une surprise face à des chiffres d’activité industrielle qui ne faisaient que baisser, et nous comprenons qu’il puisse y avoir des restructurations, ce qui ne veut pas dire fermeture de site », a souligné M. Tarantini.
« Aujourd’hui, on ferme deux sites et on met plus de 1 200 salariés au chômage pour que Michelin fasse plus de bénéfices et donne plus de dividendes à ses actionnaires », a protesté le délégué syndical central CGT, Romain Baciak.
Michelin traverse une année difficile, avec le ralentissement du marché des véhicules neufs et la concurrence asiatique. « C’est l’effondrement de l’activité qui a provoqué cette situation, et je veux dire à tous ces salariés que nous ne laisserons personne au bord du chemin », a déclaré le PDG de Michelin, Florent Menegaux, dans un entretien avec l’AFP. Michelin avait déjà fortement réduit son implantation en France. Avec celles de Poitiers, de Toul, de Joué-lès-Tours et de La Roche-sur-Yon, Michelin aura fermé six usines en vingt ans.
Le ministre de l’industrie, Marc Ferracci, a réagi mardi en demandant « un plan d’accompagnement exemplaire des salariés et des territoires ». De son côté, le ministre de l’économie et des finances, Antoine Armand, a dit « regretter » la décision de Michelin. « L’Etat aura une vigilance extraordinairement forte » quant au reclassement de « l’ensemble des salariés » affectés et fera « tout son possible pour contribuer à trouver un repreneur » pour l’un ou les deux sites, a-t-il promis lors d’un déplacement dans le Pas-de-Calais.
Michel Barnier a affirmé mardi vouloir « savoir » ce que les groupes Auchan et Michelin, qui prévoient de fermer plusieurs sites ont fait « de l’argent public qu’on leur a donné ». « Je ne suis pas fier (…) d’une politique qui détruirait des emplois, jamais », a ajouté le premier ministre devant l’Assemblée nationale, lors de la séance des questions au gouvernement.
Le géant français du pneu n’est pas le seul à tousser. Le fort ralentissement du marché automobile provoque de graves difficultés chez les équipementiers européens, et les fermetures de sites s’enchaînent. Selon Michelin, ces deux nouvelles fermetures sont devenues « inéluctables » en raison de la concurrence asiatique sur les pneus de camionnettes et de poids lourds, secteurs des usines de Cholet et de Vannes.
Le PDG de Michelin met également en cause une « dégradation lente de la compétitivité » de l’Europe, notamment liée aux coûts de l’énergie, qui empêche d’exporter. L’entreprise prépare aussi la fermeture d’ici 2025 de deux usines en Allemagne. La CFDT du groupe a estimé dans un communiqué que « Michelin a décidé seul de la solution extrême », alors que d’autres possibilités existaient pour Cholet et Vannes. SUD a condamné de son côté « une trahison sociale sans précédent » et « l’un des plus grands désastres sociaux de l’histoire de l’entreprise ».
L’usine de Cholet emploie 955 salariés, qui fabriquent principalement des petits pneus pour camionnettes, un segment en « baisse significative » en Europe « sans perspective de redressement », justifie Michelin. Le site de Vannes compte 299 salariés, qui produisent principalement des câbles métalliques pour pneus de poids lourds.
Michelin s’engage à « accompagner chacun des salariés concernés avec des solutions sur mesure », des offres d’emploi dans d’autres entreprises ou au sein du groupe, ou bien des départs en préretraite. Il promet également de « participer à la création d’au moins autant d’emplois que ceux supprimés » sur le territoire, comme il l’a fait à La Roche-sur-Yon, où 635 emplois ont été créés en quatre ans pour 613 emplois supprimés, selon le groupe.
Le Monde
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